LA FÊTE DE NOËL ET SES CADEAUX !
- Posté par Guillaume Lemonde
- Catégories Articles, Démarche Saluto, Exercices pratiques
- Date 23 décembre 2022
LA FÊTE DE NOËL ET SES CADEAUX !
Il est assez extraordinaire que ce temps de fête semble être pour beaucoup de personnes rencontrées à mon cabinet médical, le plus terrible de l’année : j’observe de l’appréhension à l’endroit de ce rendez-vous annuel, voire une anxiété. Il y a parfois des larmes, des peurs et souvent un poids ressenti rien qu’en y pensant. Dans certaines familles, cette fête est l’occasion de voir des conflits ressurgir de sous le tapis. Des rancoeurs que l’on essayait d’oublier le reste de l’année remontent à la conscience. Il y a également de la nostalgie, des regrets…
Les histoires sont bien-sûr aussi diverses qu’il y a de personnes pour les raconter et d’ailleurs tout le monde ne va heureusement pas mal à l’occasion de la fête de Noël. Cependant, en écoutant ces témoignages, m’apparait un même fil rouge qui les relie tous : chacun a des attentes… Ne serait-ce que tout se passe bien ou mieux ou différemment que les années passées. Et avec ces attentes se préparent des regrets et des déceptions.
Ceci dit, les raisons psychologiques de cette observation m’intéressent bien moins que ce qu’il est possible de découvrir en considérant la fête de Noël elle-même. Elle peut nous en apprendre beaucoup sur notre façon de la rencontrer.
Une des caractéristique de cette fête est qu’elle est récurrente.
La fête de Noël est une fête récurrente.
Or, ce qui est récurrent ne l’est jamais qu’analogiquement. Quand on dit que telle chose s’est répétée par exemple trois fois, ce n’est pas la chose elle même qui s’est été répétée mais un aspect, une analogie…
Ce qui se répète avec Noël, c’est, entre autre, la date du jour. Le jour lui-même est unique et ne se répètera jamais. De même, ce qui se répète, c’est le sujet, mais la fête autour de ce sujet est chaque année une nouvelle fête.
Ce que j’essaie de dire, c’est que ce qui semble se répéter est un appel à découvrir le talent de percevoir à tout moment ce qui est nouveau.
Nous faisons naturellement des amalgames, des comparaisons, des analogies… Cela ne nous coûte aucune énergie de mettre dans un même gros paquet toutes les fêtes de Noël que nous avons pu vivre, pour la seule raison que ces fêtes portent le même nom et sont à la même date du mois de décembre…
Cela demande en revanche une attention particulière de rencontrer la fête de Noël de cette année comme étant la seule de son espèce.
Cette disposition à être ouvert au nouveau dans ce qui semble se répéter peut être appelé confiance en la vie. La confiance en la vie est une disposition très particulière : c’est une activité qui n’attend rien de particulier. Elle est ouverte à tous les possibles. Elle ne compare donc pas puisqu’elle ne s’attend pas à voir ressurgir la même chose ou quelque chose de comparable à l’an passé. Lorsque l’on est actif à ne rien attendre de particulier, tout est toujours nouveau.
Imaginons ce qu’il en est lorsque la confiance en la vie n’est pas là…
Si l’on ne connait pas ce talent de rester ouvert à ce qui se présente, on est fermé à ce qui se présente. Si l’on ne connait pas se talent d’être ouvert à ce qui est toujours nouveau, on reste avec le toujours pareil !
On va souffrir du toujours pareil.
Dans ces conditions, le quotidien pèse car il est répétitif. On vit de la routine, de l’ennui, du manque de sens. Quand tout se répète tout le temps, les jours sont gris, sans saveur, sans profondeur et la vie tourne en rond. Il n’y a pas de perspective, pas d’horizon, pas de soleil qui puisse se lever dans cette obscurité.
Mais en somme, la routine, la grisaille, l’ennui, sont la manifestation d’un appel à découvrir, à éprouver de tout son être cette confiance en la vie qui manque.
Et comme on ne le peut pas encore, comme on ne sait pas comment faire, on se saisit très naturellement de quelque chose qui puisse être dans la nuit, dans l’ennui, dans la routine, capable de donner du sens et de la saveur à la vie.
On se saisit d’un flambeau là où manque le soleil.
Et c’est précieux qu’il puisse y avoir un flambeau quelque part, quelque chose de valeur qui donne de la valeur à la vie, de l’espoir; une chose pour laquelle on puisse se réjouir.
Une fête est l’occasion d’une réjouissance. C’est l’occasion d’orienter un quotidien sinon routinier. L’occasion de mettre un peu de couleur dans le gris.
Ainsi, la valeur que l’on accorde à la fête peut se substituer à la confiance qui manque.
La fête est un événement qui a une certaine valeur à nos yeux. Comme telle, elle peut donc être le moment d’une réjouissance et faire que la vie soit bonne.
Seriez-vous prêt à ne pas fêter en famille la fête de Noël cette année ? Si vous répondez oui, c’est que la fête de Noël n’a probablement pour vous pas ce rôle de substitution à la confiance.
Elle l’a pour beaucoup d’entre nous. Elle est un moment de valeur incontournable pour beaucoup d’entre nous.
Mais voilà, aucune valeur que l’on peut donner à quoi que ce soit ne peut être universellement partagée.
Dès que l’on accorde une valeur à une chose sans laquelle ce moment de l’année aurait moins de valeur à nos yeux, on rend possible des conflits. Pour le moins des tensions.
Imaginez que ce qui donne du sens à la vie soit pour vous votre chien que vous aimez… Que se passe-t-il si l’on vous dit que votre chien dérange le voisinage par ses aboiements ? Ou même qu’il est moche et qu’il sent mauvais ? Si votre chien est ce qui pour vous donne sa valeur à votre vie, vous allez mal le prendre !
Les valeurs sont renforcées par le partage. On a besoin de sentir qu’elles sont partagées. Cela les renforcent.
Ainsi, certaines personnes ont besoin que tout le monde (toutes les personnes de la famille) soient présentes pour Noël. S’il manque des gens, il leur faut une bonne excuse, sinon cela signifie qu’ils ne partagent pas la même valeur et cela enlève de la valeur à la fête…
Une valeur est d’autant plus forte lorsque de nombreuses personnes la partagent.
Donc, si la fête de Noël se doit pour nous d’être un moment de réjouissance, c’est à dire un moment que l’on attend car il donne à cette période de l’année sa saveur (comme si la vie n’avait pas d’elle-même sa saveur, sa profondeur et qu’il fallait faire quelque chose pour qu’elle en ait…), alors elle a déjà perdu de quoi être un moment qui soit bon en soi !
L’espoir d’une réjouissance se substitue à la confiance en la vie.
Le devoir que l’on se fait pour que tout se passe bien lors d’une fête porte déjà en la difficulté à être ouvert à toute possibilité.
C’est ce qui arrive à ces jeunes mariés stressés à leur mariage à force d’avoir imaginé comment la journée devait se dérouler. Le mariage est pour eux quelque chose qui doit donner du sens à leur existence alors qu’il n’est qu’un événement important dans une existence qui a du sens en soi…
Maintenant, un pas de plus.
La valeur qui rassemble et qui nous sert de flambeau dans le gris de l’existence, peut un jour ne plus être partagée par personne ni même vivre en nous…
Elle peut s’éteindre comme le flambeau qui faisait un peu de lumière s’éteindra et ne remplacera jamais le soleil.
Mettons que votre chien pour vous si important meure… Vous ne le sentez même plus présent… Ne restent alors que les souvenirs, les photos, la laisse et le collier. Il ne reste que les signes extérieurs de la valeur passée.
Ainsi, on insiste d’autant plus sur les signes extérieurs d’une valeur qu’elle est passée !
Or quels sont les signes extérieurs de la fête de Noël ? Un bon repas et des cadeaux dont la distribution ne s’est vraiment répandue que vers la fin du XIXe siècle, avec l’ouverture des grands magasins.
Quand le bon repas et les cadeaux sont ce qui reste de la fête, c’est qu’elle s’est vidée de son sens (c’est à dire de la valeur qui jusque-là faisait que l’on se réunissait).
Lorsque l’on s’offre des cadeaux (chose belle en soi) et que cela devient l’essence de la fête, on se trouve là où la fête n’a plus de sens et ne peut donc pas fédérer les gens qui y participent.
On se trouve là où les tensions peuvent surgir. On se trouve là où Noël devient une corvée.
Que peut-on y faire ?
La fête de Noël est bien comme elle est ! Il n’y a rien à y changer. Elle est bonne en soi.
Ce qui est possible, c’est de la rencontrer autrement. C’est notre attention, notre présence à cette fête qui fait de la fête quelque chose de nouveau ; notre attention offerte à ce qui semble toujours pareil pour nous ouvrir à ce qui est toujours différent.
Par exemple, vous pourriez prendre le temps de nourrir en vous ce qu’est Noël pour vous et qui ne dépende ni de la date, ni du lieu, ni des convives invités. C’est à dire de trouver une essence qui n’ait pas à être obligatoirement partagée ni démontrée par force cadeaux ou guirlandes (si bien que le partage peut devenir libre).
Vous pourriez exercer la confiance en la vie au sujet de laquelle vous trouverez de nombreux articles sur le site demarchesaluto.com. Mais à ce sujet, attention ! Les exercices de présence ne sont pas là pour que les choses changent ou aillent mieux. Ce ne seraient pas des exercices de présence… (quand on attend que les choses aillent mieux, on est projeté ailleurs qu’au présent). Ils sont juste là pour éprouver ce qui sinon n’est pas éprouvé. Ils s’offre à la manière que nous avons de rencontrer la vie.
Sur ces quelques réflexions, je vous souhaite une très belle fête de Noël et me réjouis de vous retrouver l’an prochain.
Bien à vous
Guillaume Lemonde
Médecin, chercheur, développe et enseigne la démarche Saluto dans ses différents champs d'application. Après des études de médecine à Lyon, il découvre la pédagogie curative et la sociothérapie, alliant la pédagogie et la santé. Pour lui, la question de toujours est d’offrir l’espace et les moyens permettant à chacun de devenir acteur de sa vie. Il ouvre un cabinet en Allemagne où il poursuit ses recherches dans le cadre de l’éducation spécialisée, puis en Suisse.
À partir de l’étude des grands chapitres de la pathologie humaine, il met en évidence quatre étapes de la présence à soi et au monde (1995) et découvre et développe à partir de cette recherche la Salutogénéalogie (2007) et la démarche Saluto (2014).
Il donne des conférences et des séminaires de formation pour enseigner cette démarche.
Il est auteur de publications faisant état de ses travaux.
2 Commentaires
Merci Guillaume pour ce beau texte!
Joyeux Noël à toi, joyeux Noël à vous tous!
La valeur de Noel ne peut avoir que celle que l’on veut bien lui accorder, si son soleil ne brille pas dans nos coeurs chaque jour, il ne sera pas plus présent ce jour là, rien n’y fera, ni les cadeaux, ni les décorations, pas même les conversations censées les réchauffer, les seuls vrais cadeaux sont ceux que l’on s’accorde à soi-même, les seules décorations, celles dont on se pare.
Vivre la fête de Noel en confiance, c’est effectivement ne rien projeter, ne rien attendre, prendre tout ce qui vient comme une expérience à vivre, sans résister, en demeurant dans l’accueil, et ce, d’autant plus fermement que les circonstances extérieures ne sont pas celles que l’on aurait pu imaginer.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de vivre Noel. Il y a simplement à accueillir ce qui est.